1. L’ère des « hégémons » (1200 av-SI)

« L’ère des sabres avait été source de légendes fantastiques pour le folklore des peuples. L’ère du renouveau se voulut plus pragmatique. Elle fut peu documentée, emplie de mythes et de légendes, l'écriture étant rare en ces temps, bien qu'elle se soit précisément généralisée vers la fin de cette époque. Les informations sur l'ère proviennent essentiellement de traditions orales, et sont rarement datées. »

Les siècles s’écoulant, la nature redevint généreuse, et par voie de conséquence, de nombreux petits États se formèrent en Issling dans la vallée du fleuve Lux et ses alentours jusqu'au cours du fleuve Alfié, qui connurent sous l'égide des premiers rois selvyens un régime qui aurait pu être qualifié de « féodal », reposant sur les liens de parenté et d'allégeance entre clans aristocratiques, et dont les pratiques rituelles étaient dominées par le culte des ancêtres. Face à une noblesse qui s’émancipa rapidement du pouvoir centralisé, les rois n'exercèrent rapidement plus qu'une autorité symbolique, tandis que s'affirmaient dès lors les pouvoirs de leurs puissants vassaux, dont certains parvinrent même à endosser la fonction d'« hégémon », laquelle leur assurait la direction de coalitions militaires regroupant plusieurs principautés. Aucune des grandes puissances occidentale n'arriva jamais à exercer une domination durable et à rassembler tous les royaumes et seigneuries sous sa coupe, entraînant progressivement Issling dans une phase de conflits de plus en plus aigus. Cette évolution politique s'accompagna d'évolutions sociales et culturelles, surtout évidentes à partir de la seconde moitié du huitième siècle avant la naissance de la déesse Sola Invicta : d'abord fidèles aux traditions héritées de l’ère des Sabres, avec une culture relativement homogène, les principautés déliées des grandes figures d’autorités et de l'influence dominante de l'ancien centre politique et culturel consolidèrent leur autonomie. Cette période vit donc des cultures régionales se constituer, visibles notamment dans l'art, les pratiques militaires et funéraires, tandis qu'un nouvel ordre politique émergea, substituant à l'ancien ordre fondé sur des rapports personnels et les lignages, une nouvelle organisation politique et sociale plus abstraite et moins systématique, qui est consacrée  ensuite par la formation de huit grands royaumes guerriers selvyens, lesquels se nommèrent Vyr, Erelyus, Velyrim, Telios, et Velemyr, Stratius, Wandell, Azyrée. Ces hégémons, dirigés par des « ligues » d'États couvrant une partie plus ou moins vaste des pays susmentionnés, mais jamais leur totalité, souffraient subséquemment d’une instabilité chronique due à la combinaison de multiples facteurs tels qu’une grande volatilité des alliances, qui eurent tendance à se retourner contre les plus forts, les empêchant ainsi d'asseoir leur puissance durablement, d’une incapacité des grandes puissances à se distinguer sur le plan militaire, empêchant l'émergence d'un hégémon incontesté, et des faiblesses internes des grandes principautés où le pouvoir central était souvent affaibli et menacé par de vieilles familles nobles au profit d’arrivistes peu scrupuleux. Ainsi se tissait la trame d’un jeu politique très instable, marqué par d'éternels revirements d'alliances, d’avantages jamais durablement acquis, et d'éternelles querelles de préséance reposant sur des problématiques liées aux puissances militaires, mais aussi sur d’obscures considérations symboliques, comme l'ancienneté des lignages. La fréquence des guerres durant cette époque était impressionnante, et puisaient leurs explications dans les nombreux revirements d'alliances et la fragmentation territoriale qui générait de nombreux litiges rapidement généralisés par le jeu des accords diplomatiques et intérêts politiques. De fait, les récits d’autrefois évoquaient des conflits pouvant éclater pour des raisons très variables, souvent d'apparence… anodine : des manquements au savoir-vivre dans les relations entre cours, des querelles de préséance lors d'une rencontre, ou, dans un cas extrême, la remontée au niveau des princes d'une querelle entre deux femmes de deux villages frontaliers dépendant de l'un et de l'autre, autour de la possession d’un moulin. Ces conflits demeuraient, cela dit, peu violents, les troupes mobilisées en campagne étant assez limitées en nombre, même chez les plus grandes puissances. La principale raison de la faible violence des guerres était liée au fait que les princes nourrissaient peu d'appétence pour les combats acharnés, et aspiraient moins aux batailles décisives que de faire l’étalage de leur puissance, de leur capacité à mobiliser leurs alliés à seule fin de contraindre leur rival à opter pour une paix sans effusion de sang - ou à la suite d'une simple escarmouche. Lorsque l'affrontement avait effectivement lieu, c'était généralement l'occasion pour les nobles de prouver leur bravoure et leur honorabilité en refusant les comportements immoraux pour faire éclater leur prestige. La guerre était ainsi présentée comme étant une ordalie au cours de laquelle les « Anciens dieux » décidaient du vainqueur, le meilleur moyen de s'attirer leur faveur étant de respecter la morale, de ne pas exploiter à l’excès la victoire en massacrant ses adversaires, d'autant plus que la clémence permettait d'éviter de futures vengeances… Hélas, Dans les faits, les affrontements de cette époque étaient peut-être moins courtois. Plusieurs exemples, dénoncés par les textes antiques, prouvaient à juste titre que les règles éthiques n’étaient pas toujours respectées, et que plusieurs conflits se soldaient par l'annexion brutale des pays vaincus par les vainqueurs, ce qui tendrait à fournir une explication à la diminution du nombre d'entités politiques au cours de la période. On ressentit une évolution vers des conflits plus âpres vers -50, qui se rapprochent de la violence et de l'amoralité des batailles de l’ère des sabres, lorsque le déclin de la chevalerie dirigée par les nobles laissa place aux dizaines de milliers de troupes de fantassins servant de chair à flèches au cours de combats dans lesquels les stratèges cherchaient à affirmer leur supériorité par tous les moyens possibles.

En Orient, la situation, et ce de manière surprenante, était toute autre. Une rupture nette, sinon manichéenne, s’était dessinée entre un Occident, froid, austère et barbare sombrant dans les luttes intestines et les querelles sanglantes et un Orient prospère, industrieux et à de multiples égards, proches du fameux paradis que promettaient les dieux antiques… ! Cités luxueuses défendues par les légendaires paladins Valysiens, états stables quoique secoués au gré des infortunes par quelques guerres, épidémies et famines mais à moindres échelles qu’en occident, récoltes abondantes, climat doux et rayonnants, lieux de savoirs en nombre, et véritable tolérance en matière religieuse, l’Orient et ses richesses ainsi faites pouvait en charmer plus d’un.

2. L’avènement de la déesse du Soleil (Année Zéro)

Les origines de la déesse Sola Invicta, en raison du manque d’archives historiques sérieuses et objectives, sont sujettes à caution. De nombreuses chansons se plaisent à la décrire tantôt comme une simple humaine, tantôt comme une jeune fille de haute-naissance descendant d’une lointaine lignée remontant jusqu’aux Dieux de l’ère mythologique, mais d’aucuns savent que la frontière entre le mythe et la vérité pouvait être mince.

La gloire de Sola Invicta a traversé les siècles. Sa légende s’est enrichie de mille détails et, aussi, par soucis de simplification, on distingue généralement la déesse des traditions antiques et la déesse des traditions religieuses. Fille du souverain du royaume de Vyr, Sola, confiée au sage Valendel, apprit de ce savant précepteur l’art de l’éloquence et les sciences de la guerre. Avide de gloire et d’exploit, et ce afin d’asseoir sa position d’héritière du royaume, elle rejoignit en compagnie de son amant, le futur premier empereur, Thylis, la lutte pour le trône. Malgré les avertissements de son mentor, elle préféra à une existence longue et obscure une vie que les guerres et les complots allaient rendre aussi courte que glorieuse. Femme d’une énergie singulière, sa beauté froide, ainsi que le décrivait ses contemporains, sa bravoure, sa fermeté d’âme, et la précieuse protection que lui accordèrent les Dieux Aevellion et Jagurtha contribuèrent à accroître sa renommée. Cependant, le caractère de la princesse d’antan n’était pas exempt de faiblesses. Ombrageuse, amoureuse du pouvoir, excessive dans ses rancunes, sanguinaire le cas échéant, elle abandonna la lutte lorsque son père la renia au profit de son jeune frère, dont l’histoire ne conserva jamais le nom mais retint seulement sa fourberie légendaire au point qu’il fut nommé à postériori « le simulacre » en raison de son ambivalence et de son manque de moralité. Privés de son appui, ses armées que commandait Thylis essuyèrent défaite après défaite. Mais lorsque mourût son père, assassiné par son frère, elle sortit de sa réserve, revêtit la noire armure d’Eskandar dont les légendes conféraient le pouvoir d’accorder à son possesseur l’invulnérabilité et brandit l’épée d’or de Elyagar, et châtia la félonie de ce dernier avant de dépecer son corps et de l’abandonner à l’appétit vorace et carnassier des rats et corbeaux. Hélas, ses jours étaient comptés. Sola n’était pas destinée à jouir de sa propre conquête et elle tomba devant les portes de ce qui allait devenir la capitale de l’Empire Selvyen d’Issling : Selvya. Elle fut, dit-on, enseveli au milieu des pleurs et des gémissements de Thylis, sur les rivages de l’Océan polaris avant d’obtenir l’élévation que les dieux promettaient aux mortels ayant noblement périt. Depuis, selon la tradition religieuse, elle s’était assignée pour tâche de veiller sur l’empire et les enfants de cet empire.