1.  La survie (4200 av-SI)

Des siècles durant, l’humanité survivante s’employa à panser ses plaies et à faire face à un monde fait de glace dont elle ignorait désormais tout. En raison de la destruction de toutes infrastructures facilitant l’accès aux savoirs durant les désordres causés par la Grande peste, peu d’informations ont été retranscrites sur les événements succédant à la Grande peste Khnaratti hormis deux phénomènes que les historiens imputèrent aux actions des survivants : le bouleversement des saisons, l’élévation de la montagne d’Asiaq. Ce fut aussi à cette époque que furent érigés les monolithes et les obélisques d’obsidiennes, sources des plus extravagantes fabulations pendant des millénaires, qui nimbèrent d’une aura mystique et mystérieuse les terres arides de Yûrai.

2. L’aube des temps (3600 av-SI)

Après le cataclysme de la non-vie et la Grande glaciation vint le temps des fontes des neiges et du renouveau de la lumière, l’humanité entière crut qu’il était venu le temps de la belle saison, des premières floraisons, des récoltes naissantes et du réveil de la faune ! Tandis que les sombres nuages qui s’amoncelaient dans les cieux se dérobaient au profit d'une voûte céleste purifiée, éclatante d'azur, l’acre odeur de la mort qui saturait l’atmosphère de jadis et l'épais linceul gelé qui s'était rendu maître du sol devaient laisser leur place aux odeurs de la rosée matinale, aux bourgeons, aux pousses et aux mauvaises herbes. Le hurlement des morts-vivants et des vents glacés s'étaient tus, progressivement remplacés par le bourdonnement des insectes et le chant des oiseaux. La terre serait de nouveau féconde, annonçant le futur labeur dans les champs et la reprise de l'élevage. La nature s'était extirpée de son long sommeil cyclique, emplie d'ardeur, débordant d'énergie : il est venu le temps de vivre. La lumière de l’aube avait extirpé les ténèbres de la nuit, lesquelles emportassent le fléau de la non-vie...
Ainsi débutait l’ère de l'aube des temps. Les premières chaleurs furent accueillies dans la liesse générale, l'hiver et son lot de malheur n’étant guère regrettés, bien qu’il avait, paradoxalement, assuré à chacun une certaine sécurité, un certain confort. Peu nombreux étaient après tout les pilleurs en maraude s'essayant à remplir leur besogne au sein d'une tempête de grêle, pétrifiés par les rafales et le gel, et les prédateurs naturels, aliénés par les radiations, hibernaient dans leur antre sans menacer quiconque. L'on restait enfermé chez soi, encerclé par des murs, entourés d'êtres proches, et l'on se serrait l'un contre l'autre sans se soucier du monde extérieur. Qu'importe les différends, les conflits et les confrontations, lorsque les vents de l’hiver soufflent, chacun campe sur ses positions et gagne une fugace ère de répit, aussi glaciale que bienvenue. Mais désormais, l'inertie était synonyme de famine, la neutralité de faiblesse, et l'apathie de mort. Le repos dans le froid étant maintenant caduc, il était temps d'affronter le monde ou d'y périr. Chacun allait endurer, travailler, combattre et s'adapter de nouveau à une terre ruinée, dévastée ; héritage d'une guerre menée par des ancêtres trop aveuglés par leur propre grandeur. Chacun devra une fois de plus subir son existence propre rendue abjecte par les exactions d'aïeux belliqueux, qui au nom d'idéaux désormais obsolètes firent d'un âge d'or des siècles de cendres. Récoltes et semences, raids et pillages, malheur et angoisse : tout cela était de retour. Comme chaque année, en fin de compte. Peu nombreux furent les pauvres hères à encore s’apitoyer sur leur funeste destin : la mutation de la nature, la mort embusquée à chaque détour étaient devenus pittoresques. L’ère des hommes, disait-on, s'était ouverte sous le signe de la fatalité, et s'achèvera sous la coupe d'un augure semblable. Il n'était à cette époque plus rien que l'homme ne puisse faire, si ce n'est survivre et espérer en vain.
Aux premières joies succédèrent la misère et le chagrin, qui s'imposèrent en maître-mots car les nouveaux hommes se rendirent rapidement compte de quel monde sinistre et pétri d’insanités ils avaient hérité.

3. L’ère des sabres (2900 av-SI)

L’ère des sabres. L’humanité n’était désormais composée que de quelques centaines de milliers d’individus. La rigueur du climat, l’avarice de la nature et les luttes sanguinaires pour rafler les maigres ressources que cette dernière peinait à offrir aux humbles survivants firent que ce chiffre ne crût jamais pendant des siècles.

Colère, agressivité, combat, tel était le nouveau quotidien de l’humanité. Dans les tribus de jadis, lorsqu'un homme acquière de la force, il défiait son chef pour acquérir le pouvoir. S'ensuivait un combat à mort qui ne laissait qu'un vainqueur. Et dans le cas où les deux s’entretuaient ou que le vainqueur succombait à ses blessures, un autre homme se proclamait guerrier le plus fort de sa tribu, et si personne ne le contredit, il devenait le chef ou affrontait celui qui ne reconnaissait ni ses prétentions, ni son autorité nouvelle. Ainsi allait le monde. La loi du plus fort, jugée plus pragmatique, faisait figure de dogme. Il fallait tuer pour ne pas être tué. Il fallait manger pour ne pas être mangé. Les plus jeunes étaient désormais livrés à eux même dès leur plus jeune âge afin d'être confronté à la vie impitoyable qui était la leur. De même, la vie était simple et archaïque. Les hommes chassaient et les femmes s'occupaient des enfants. Hélas, elles ne s'occupaient pas des enfants bien longtemps, ces derniers, les jeunes hommes, restant aux côtés de leur mère seulement durant sept à huit ans avant d'être livrés à eux même. C'était à ce moment-là qu'ils étaient le plus vulnérables car ils partaient chasser dans les terres hostiles, dans les steppes, dans les forêts, dans les montagnes, dans la toundra, et finissaient souvent dévorés ou bien, connaissent une mort tout aussi violente. Ceux qui purent survivre en revanche offraient à leurs tribus la force acquise au cours de leurs périples vers la survie. Et les femmes, selon les recommandations des sages des tribus, pouvaient ainsi mettre au monde une progéniture forte et vigoureuse. En conséquence de ces conflits et de la raréfaction des ressources de première nécessité,  la sélection naturelle, qui en découla, leur a fourni des prédispositions physiques au combat rarement égalées par les générations de combattants suivantes. Il est probable, sinon véridique, que les meilleurs combattants qu’aurait pu dénombrer l’histoire vécurent à cette époque.

Tout ceci forgea le caractère belliqueux des êtres humains, qui fut exacerbé lorsque la surface d’Océania fut victime du Magrevarl. Persécutés par de monstrueuses créatures aux origines mystérieuses, les Heimr, les tribus humaines durent se réfugier sous terre pour survivre mais cet exil limita encore plus les ressources disponibles et les disputes entre celles-ci, fréquentes avant, devinrent omniprésentes à cause de la pression qu’exerçaient les Heimr dans les souterrains. Pour survivre, elles sacrifièrent les malades et les faibles, et s'adonnèrent même au cannibalisme tant la nourriture manquait. À cette époque-là, tous croyaient que les créatures de la surface étaient les dieux d’autrefois, ressuscités pour les détruire et pour reconquérir les terres qui leur appartinrent. Ce fut l'apparition d'un puissant seigneur de guerre Valysien appelé Pyotr qui déclencha la guerre tant attendue et qui devint le premier Grand Souverain d’Océanos. Ce dernier réalisa la tâche difficile d’unifier les peuples, construisit des forteresses imprenables dans les chaînes de montagnes et chassa les créatures. Il mourut lors du conflit – un conflit dont les batailles et les héros resteront à jamais inconnus, tout en imprégnant de son empreinte les différentes cultures humaines auxquels il ne put jamais ôter à son grand dam cette étincelle d’animosité qui les animait et qui les conduisait à s’entredéchirer. Leur roi disparu, et la guerre achevée, les humains s'enfoncèrent dans un cycle de guerres intestines alimentées par les profits du mercenariat. À une période inconnue, un homme, dont les livres d’histoire n’en conservèrent pas le nom, appartenant à une des rares tribus neutres, crut bon de détourner la violence de la guerre dans des arènes. Les conflits se calmèrent de fait au profit de spectacles sanglants et violents où des gladiateurs de tous horizons, volontaires ou esclaves, s'affrontaient entre eux et contre des prédateurs tous plus dangereux les uns que les autres.